Sanogo et une pacotille de démocrates
Au Mali, ces derniers jours, il se dit et s’écrit beaucoup de choses à propos de la promotion, tout sauf inattendue, au grade de Général de corps d’armée de celui qui, il y a un an de cela, n’était que capitaine. La nouvelle tombée le mercredi 14 août dernier, avait presque fait l’effet d’un gag avant de déclencher la machine des réactions qui en disent long sur l’impopularité de cette décision intervenue quelques jours après la victoire d’Ibrahim Boubacar Keïta au second tour du scrutin présidentiel. Sanogo est devenu la cible privilégiée des insultes, des invectives et du mépris, du fait de son très récent passé de putschiste à qui les démocrates « sacrés » du pays ne sont pas prêts à pardonner : il est le héros du coup d’Etat du 22 mars 2012 qui aurait accéléré le passage d’une grande partie du Nord du pays sous le contrôle des terro-djihadistes et des rebelles targui du MNLA.
Il ne s’agit pas pour moi de prendre ici la défense de l’artisan d’un coup d’Etat, qui plus est foireux, et considéré comme le putsch le plus minable que le Mali ait connu. Oui, j’adhère aux opinions selon lesquelles Sanogo, en opérant le coup d’Etat, a interrompu un processus démocratique dans un pays brandi à tout bout de champ comme un modèle à suivre. Oui, même au cours de la transition, il était une menace permanente et celui dont le nom rythmait les conversations dans les chancelleries, y compris occidentales. Il va sans dire qu’il surveillait, de Kati, Bamako comme le lait sur le feu. Oui, le capitaine et ses hommes se sont rendus coupables d’actes qui font bouillir de colère quiconque : violences et menaces de mort contre les journalistes, tentatives d’enlèvement (le cas de la directrice de l’APEJ)… Je suis d’accord avec tous ces griefs faits au capitaine, et qui constituent pour lui un passé grave.
Mais, pour autant, je refuse d’être un mouton de Panurge. Je vais me garder de me jeter dans les bras de cette pacotille de démocrates qui, au Mali comme ailleurs, prennent un malin plaisir à mettre tout ce qui est arrivé au Mali et aux Maliens sur le compte du coup d’Etat du 22 mars qui, disons-le sans hésitation, est indéfendable. Toutefois, autant le putsch est indéfendable, autant est indéfendable le système démocratique qui était en place au Mali.
Et d’ailleurs, à propos de cette promotion du capitaine Sanogo, il est clair que ceux qui crient au scandale ne se sont jamais posé la question de savoir pourquoi le peuple malien, dans sa majorité, n’a pas levé le petit doigt. L’explication est limpide : il suffit de lire ce point de vue de Chaka Bâ alias Amkoullel, qui, bien qu’opposé au coup d’Etat, dans une interview accordée à Sabine Cessou a dit :
« Il faut le reconnaître : le mouvement de soutien au putsch a peut-être eu plus de poids que ceux qui se sont opposés aux putschistes. »
Et pour joindre ma voix à celle du rappeur malien, il ne saurait être intellectuellement honnête pour moi de cacher aujourd’hui avec ma main le soleil des manifestations de joie qui ont accueilli le coup d’Etat, dans les jours qui suivi le 22 mars. Les Maliens étaient contents. Contents de voir à terre un régime qui ne leur a offert que kleptocratie, déception, népotisme et piston. Mais, bon sang ! qu’est ce que c’est que cette démocratie dans laquelle le mensonge a toujours eu raison de la vérité, la justice de l’injustice. Une démocratie où une minorité du haut de leurs richesses regarde une majorité pauvre comme des mouches.
C’est pourquoi, pour nombre de Maliens, Sanogo n’a pas commis un sacrilège en faisant le putsch, mais plutôt a mis une sourdine à un système grabataire dont le prolongement allait conduire le Mali à « l’encore-pire ». En réalité, ceux qui sont en train d’épuiser leur capacité de communication pour soutenir que le système démocratique qui était en place au Mali devait continuer, ne sont, pour ne pas dire autre chose, que des accros à cause perdue. De plus, ceux qui sont en train de faire circuler une pétition contre cette promotion de SANOGO, destinée à l’Assemblée nationale, ne doivent pas oublié d’en faire autant pour les ministres, cadres…impliqués dans le pillage concerté de l’Etat malien. Sinon, cette levée de boucliers dont Sanogo est l’objet risque d’être, comme me l’a écrit dernièrement une amie : « une façon de détourner l’attention des Maliens, pendant que d’autres choses déterminantes pour l’avenir sont en train d’être tramées !! »
Mais encore une fois, je suis d’accord que dans un Etat de droit, je dis bien un Etat de droit, la place de l’armée est dans les casernes et son rôle la défense de l’intégrité territoriale et l’unité du pays. Et, de ce point de vue, Sanogo est inexcusable…
Boubacar Sangaré
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