Mali : le temps des foutaises

7 mars 2017

Mali : le temps des foutaises

Moussa Timbiné, Premier vice-président de l’Assemblée nationale et président de la jeunesse du parti RPM

Arrogant comme un député au Mali. Au sortir d’une conférence avec des étudiants à Paris, Moussa Timbiné, le premier vice-président de l’Assemblée nationale du Mali, a dit qu’il maintenait ses propos tenus à l’encontre des Internautes qu’il avait qualifiés de « drogués », terme qui, on s’en souvient, avait suscité une levée de boucliers sur les réseaux sociaux. En en remettant une couche alors que l’opinion publique était sur le point de passer à autre chose, celui qui est le président de la jeunesse du Rassemblement pour le Mali (parti au pouvoir) remue le couteau dans une plaie loin d’être cicatrisée. Que dit Moussa Timbiné ? Qu’il ne s’agit pas des jeunes, que les personnes visées se reconnaissent très bien. Que « les réseaux sociaux doivent nous aider à avancer et non à nous diviser, le Mali n’a pas besoin de ça aujourd’hui ».

Il faut dire que si on était dans un pays où la responsabilité est une notion et non une foutaise, une telle polémique n’aurait pas lieu. Un député, qui plus est le premier vice-président de l’Assemblée nationale, ne s’offrirait pas le luxe de dépiter. Mais, c’est le temps des foutaises. Et on reste bouche bée de stupéfaction en entendant les courtisans du député dire qu’il fait allusion au chroniqueur Youssouf Bathily dit Ras Bath, qui n’en finit de défrayer la chronique malgré la suspension de son émission « Cartes sur table » qui jouissait d’une grande audience. En réalité, ce qu’il faut dire c’est que le Mali n’a pas besoin de la morgue d’élus qui vivent sur leur ilot de bonheur au beau milieu d’un peuple qui croupit dans la misère, un peuple pour qui ils n’ont que mépris. Pas besoin de la morgue de cet élu, membre du parti au pouvoir dont la gestion calamiteuse du pays n’a pas encore permis au peuple d’espérer voir le bout du tunnel. Ignore-t-il ce qu’est le quotidien des gens d’en bas ? Courir derrière la pitance du lendemain, vivre au jour le jour. Subir les coupures générales d’électricité pendant les périodes de chaleur, après un demi-siècle d’indépendance. Entendre tous les jours parler de l’Accord pour la paix, alors qu’il est désormais bon à mettre au pilon.

Si aujourd’hui nous sommes divisés, ce n’est pas parce que des Internautes expriment leur opinion, c’est parce que nous sommes assis sur beaucoup de mensonges dont nous recevons aujourd’hui l’effet boomerang. C’est parce que le mensonge est devenu une langue officielle. C’est parce que le dénominateur commun sous lequel se retrouvent élus et dirigeants n’est autre que le mépris pour le peuple. C’est ce danger-là qui guette ce pays. N’en déplaise à quelques ânes qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, ce pays régresse. Nous avons tout à craindre et rien à espérer d’élus dont les marques de fabrique sont l’arrogance et l’orgueil, deux très mauvais conseillers, n’importe quel idiot le sait. A ceux et celles qui s’échinent à dire que les drogués du net tiennent des débats de caniveaux, il est intéressant de rappeler que ces outils donnent la parole au peuple qui en a été privé pendant plusieurs décennies. Le contexte a changé, et le rapport entre gouvernants et gouvernés en est modifié. La classe dirigeante malienne découvre brusquement qu’elle est dépassée. Elle comprend que debout jour et nuit, des jeunes la surveillent à la tâche comme le lait sur le feu. L’effet Internet.

Bokar Sangaré

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